Absentéismes et présentéismes sont des indicateurs sentinelles de la QVCT et de la santé dans l’entreprise
Si vous avez pris connaissance de mes pages sur la santé au travail vous savez maintenant que les enquêtes européennes mettent en évidence que les Français accordent une très grande importance au travail et même que celui-ci occupe une place aussi centrale que singulière dans la vie des français.
Le seul lien travail /chômage-insécurité sur le marché du travail ne suffit pas à expliquer l’importance que revêt le travail pour les français.
C’est l’éthique du devoir qui semble être à privilégier : plus de 60 % de nos concitoyens continueraient à travailler même s’ils n’avaient pas besoin d’argent. Les Français se distinguent en fait par l’importance qu’ils accordent à l’intérêt intrinsèque de l’emploi : ils sont de loin les travailleurs européens les plus nombreux à estimer que le développement de leurs capacités passe par un travail.
Le travail pour les salariés français, se situe bien au-delà de l’emploi, revêt les caractéristiques d’un véritable statut social nécessitant alors des investissements aussi importants que les espoirs qu’il porte.
Devant un tel tableau on ne peut qu’être interrogatifs devant les problèmes d’absentéisme que rencontrent certaines entreprises. J’entends déjà les alarmes sur le désengagement massif des salariés qui expliquerait aussi simplement que massivement l’absentéisme !
Thomas Philippon, dans son ouvrage « Le Capitalisme d'héritiers : la crise française du travail », s’inscrit en faux comme de nombreux autres auteurs et montre bien qu’il n’y a pas de crise de la valeur travail en France mais l’expression d’un fort malaise au travail.
Alors finalement de quoi parle-t-on ?
De salariés que les études mondiales, européennes et nationales montrent comme engagés à très engagés mais qui se retrouvent à ne pas pouvoir être en mesure de travailler ? En effet les français sont les européens les moins absents pour raison de santé et pour cause ils sont 62 % à déclarer venir au travail même en étant malades. Venir travailler en étant malade concerne un peu plus de de 2 salariés sur 5 et le phénomène est en hausse.
Il est important pour bien comprendre ce qu’est l’absentéisme de revenir à la base.
S’il n’existe pas de définition unanimement partagée sur l’absentéisme, le réseau Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail) - Aract (Agence régionale pour l'amélioration des conditions de travail) propose la définition suivante :
« l’absentéisme caractérise toute absence qui aurait pu être évitée par une prévention suffisamment précoce des facteurs de dégradations des conditions de travail entendus au sens large : les ambiances physiques mais aussi l’organisation du travail, la qualité de la relation d’emploi, la conciliation des temps professionnel et privé, etc. ».
Cette définition qui est assez large présente en plus de sa clarté insiste judicieusement sur deux éléments :
Tout l’enjeu dans l’entreprise consiste entre autre à dépasser la détermination de la valeur brute de l’absentéisme qui est finalement peu enseignante sauf quand il est déjà hors de contrôle. Il faut en analyser finement tous les constituants, à le croiser avec d’autres indicateurs (turnover…) pour en faire un indicateur vraiment opérationnel.
Toutes les absences ne sont pas de l’absentéisme.
Certaines absences (formation, activités syndicales, maternité, congés payés, etc.) sont prévisibles et légales. Elles ne peuvent donc pas être considérées comme de l’absentéisme. Ce qui importe c’est de suivre les absences particulièrement perturbatrices pour l’activité de l’entreprise et qui pourraient être reliées même indirectement aux conditions de travail et d’organisation du travail :
L’enquête de la Dares (Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques) « Les absences au travail pour raisons de santé : un rôle important des conditions de travail » de 2013 même si elle est déjà assez ancienne s’inscrit dans la continuité des études précédentes.
Elle fournit pour autant une bonne base de réflexion avec un taux d’absentéisme moyen qui varie entre 3,4 % à 3,8 %.
Le 12e baromètre de l'Absentéisme et de l'engagement Ayming, fait apparaitre en 2019 un taux d'absentéisme en augmentation à 5,11 %, avec en moyenne 18,7 jours d'absence par an et par salarié.
En plus d’être un casse-tête organisationnel, l’absentéisme représente toujours un coût, un manque à gagner ou une perte d’image.
L’absentéisme ne doit en aucun cas être considéré comme une simple question de gestion des effectifs. De façon pragmatique, la présence ou l’absence des salariés au travail conditionne la performance globale de l’entreprise. Il n’est pas aisé de trouver dans la littérature et les diverses études publiées le coût de l’absentéisme, qu’il soit direct ou indirect.
Une partie de ce coût est visible via le chiffrage par la Sécurité sociale des indemnités journalières accordées aux salariés pour indemniser leurs absences. Cela représente 5 % des dépenses totales de santé avec un montant qui en 2010 avoisinait les 12,46 milliards d’euros.
Ces dernières années, ces chiffres témoignent surtout d’un accroissement de la durée des absences et du coût de l’indemnisation, situation pour partie liée au vieillissement démographique et à la progression des maladies professionnelles, mais pas que. En effet l’absentéisme témoigne des défaillances ou de la réussite des processus de mobilisation du travail.
Cette situation qui fait de l’absentéisme un problème crucial pour le développement de l’entreprise est bien connue des dirigeants et des DRH. Ce qui l’est moins, c’est que l’absentéisme comporte aussi des incidences pour les salariés.
Dans un travail devenu de plus en plus interdépendant, nécessitant des formes de collaboration renforcée voire même de coopération, l’absence des uns devient très rapidement la surcharge des autres. A n’en pas douter il faut regarder dans chaque entreprise, dans chaque unité de travail, cet indicateur de plus près afin d’en tirer des informations précieuses.
Il convient d’en faire un indicateur sentinelle de la qualité de vie au travail et de la santé des salariés, celui-ci étant reconnu depuis des années comme un indicateur pertinent de santé au travail comme ayant un lien fort avec l’organisation du travail ou plutôt ses dérives.
C’est à ce titre que le stress est très souvent montré du doigt et tout à fait légitimement.
1 % d’absentéisme à l’échelle de toute la fonction publique française représenterait un équivalent emploi de 50 000 agents.
Il faut dépasser les chiffres bruts et chercher dans chaque entreprise, dans chaque établissement à comprendre les interactions entre
pour avoir une véritable connaissance de ce que traduisent localement les chiffre de l’absentéisme.
Nous pourrons ainsi en faire non plus un indicateur punitif ou stigmatisant mais bien un outil de prévention, une sentinelle de la qualité de vite et des conditions de travail, de la santé au travail qui bien analysé permet de prendre les mesures qui s’imposent.
Si l’absentéisme est un souci dans certaines entreprises, le présentéisme et en particulier le présentéisme de maladie est un phénomène lui aussi éminemment préjudiciable et loin d’être anecdotique.
Comme je l’ai déjà écrit les français sont les travailleurs en Europe les moins absents pour raison de santé. Venir travailler en étant malade concerne un peu plus de 2 salariés sur 5 et le phénomène est en hausse.
Les études montrent que comme pour l’absentéisme, ce n’est pas du côté des caractéristiques individuelles des salariés qu’il faut chercher mais bien du coté des caractéristiques de l’organisation du travail. Le présentéisme pour maladie apparait comme contreproductif et nuisible au bien être individuel, collectif et sociétal.
Plusieurs études confirment qu’il induit des pertes élevées en termes de productivité individuelle mais aussi du groupe et des conséquences négatives sur
Le présentéisme pour de nombreux auteurs apparait comme étant le symptôme d’une organisation du travail défaillante ou la pression temporelle (contraintes pesant sur le rythme de travail, charges de travail trop élevées, contraintes machiniques, …) est perçue comme un déterminant fort.
Dans des situations de travail complexes et très contraintes il peut être difficile de se faire remplacer, de devoir rattraper son travail et donc de pouvoir s’absenter même malade !
Le collectif de travail peut jouer ici un rôle dual : un rythme de travail dépendant des collègues augmente la probabilité de venir travailler malgré tout, mais pouvoir recevoir de l’aide du collectif de travail la diminue. Dans un contexte de productivité en flux tendu il rend l’absence difficile mais un collectif aidant la rend possible.
Sylvie Hamon Cholet et Joseph Lanfranchi auteurs d’une étude publiée en mars 2021 montrent de plus qu’un salarié qui a le sentiment que son travail est utile aux autres a tendance à faire plus de présentéisme pour maladie, montrant ainsi son engagement au travail.
Les agents de la fonction publique entre autre hospitalière sont les champions toutes catégories de ce présentéisme que la pandémie de COVID-19 a mis en lumière.
En revanche l’autonomie des travailleurs fait baisser ce présentéisme particulier. On retiendra donc que le soutien du collectif de travail et les marges de manœuvres protègent du présentéisme pour maladie. Il apparait aussi que lorsque le salarié a le sentiment d’exercer un travail intéressant et qu’il est reconnu à sa juste valeur, cela tend à faire diminuer le présentéisme mettant ainsi en avant que lorsque le travail est motivant et reconnu les salariés s’autorisent à s’absenter lorsqu’ils sont malades., au bénéfice de tous : salariés, entreprise, société.
On en revient donc toujours à la qualité du travail et de ses conditions de réalisation, premier facteur de la santé des salariés.
Vous l’aurez compris, l’absentéisme comme le présentéisme pour maladie doivent être perçus comme des indicateurs sentinelles qui viennent mettre en lumière une qualité de vie et des conditions de travail potentiellement défaillante, la santé au travail et finalement bien celle de l’entreprise. En tant que spécialiste de la Qualité de Vie et des Conditions de Travail et de la prévention des Risques Psycho-Sociaux, je propose toujours aux entreprises qui font appel à moi pour un diagnostic ou plus largement pour l’évaluation ou l’élaboration de leur politique de QVCT et de prévention des RPS, que nous nous intéressions à l’absentéisme et aux présentéismes.