De l’intérêt des Espaces de Discussion sur le Travail


espace discussion au travail

 

Nous pouvons également dire : La médiatrice et préventrice des RPS et l’après COVID, de l’intérêt des Espaces de Discussion sur le Travail !

 

L’entreprise est par nature un melting-pot humain, ou tous les travailleurs sont contraints à vivre ensemble pendant leur temps de travail alors même qu’ils ne sont pas mutuellement choisis…

 

Les différences qui existent entre eux mais plus encore les conditions de réalisation du travail qui leur est confié peuvent créer des tensions qui si elles ne sont pas traitées convenablement vont dégénérer plus ou moins rapidement en conflits. Ces conflits n’abîment pas que leurs protagonistes humains, ils peuvent altérer aussi l’entreprise, sa productivité, l’ambiance de travail, la qualité du travail, l’image de l’unité et/ou même de l’entreprise et surtout la santé des travailleurs.


La pandémie de Covid 19 génératrice de tensions dans l'entreprise

La tension qui s’applique aux travailleurs et à l’entreprise peut aussi être étrangère à celle-ci, la pandémie de COVID-19 et tout ce qu’elle a bouleversé dans nos vies en est un parfait exemple.

 

Les conséquences de la COVID-19 sont venues s’ajouter de façon toute aussi imprévue qu’inédite aux obligations de santé et de sécurité qui s’imposent aux entreprises, tant dans l’impérieuse injonction de la gestion quotidienne de la pandémie et de son florilège de règles sanitaires, que dans la modification plus durable du travail et de ses conditions d’exécution. On peut citer

  • le télétravail et le chômage partiel,
  • la modification de la perception objective mais aussi subjective de chacun sur l’importance que représente le travail, son sens, sa part dans notre propre construction,
  • l’importance du collectif de travail et de l’entreprise dans notre vie.

Croire que tout reprendra exactement comme avant la pandémie est une erreur ! Au moment où l’activité reprendra un peu partout dans les usines et les bureaux, ou les salariés reviendront peut-être divisés sur les mesures sanitaires individuelles et collectives, pendant que les chefs d’entreprise appréhenderont de voir leur responsabilité civile ou pénale mise en cause par leurs obligations de prévention en terme de santé, de potentielles défaillances dans le respect des nouvelles normes sanitaires, l’apparition de risques psychosociaux…

 

Covid 19

L'accompagnement d'une médiatrice et préventrice des RPS

Mes compétence de médiatrice et de préventrice des Risques Psychosociaux me permettent de dédier tout ou partie des Espaces de Discussion sur le Travail que je peux être amenée à mettre en place, à la reprise post covid.

 

Cet espace de discussion prévu par la loi sous l’impulsion de Jean Auroux m’apparaît être le recours le plus adapté au soutien de l’entreprise dans sa reprise par la discussion sur le travail réel. En tant que médiatrice je peux, de façon neutre, impartiale, loyale, accompagner

  • le dirigeant,
  • l’encadrement stratégique mais aussi opérationnel,
  • les élus du personnel,
  • les salariés,

dans la mise en place et l’animation de ces espaces qui sont un outil de prévention primaire et secondaire des conflits et des risques psycho-sociaux et travailler avec une vision collective à une reprise plus respectueuse des attendus de tous. 

Peut-être allez-vous trouver ma proposition osée pour une médiatrice, mais dans ma proposition de gestion du conflit dans l’entreprise par les Espaces de Discussion sur le Travail, j’ose proposer de dé-neutraliser les conflits pour provoquer le dialogue, tenter d’aller au fond des choses, afin d’œuvrer pour de vrai à une qualité de vie et des conditions de travail.

En quoi les espaces de discussion sont pertinents

Comme l’ont montré François Guerin et Clément Ruffier (Guérin et Ruffier, « EXPÉRIMENTATION D’UNE DÉMARCHE ALTERNATIVE »), les entreprises et les institutions publiques sont trop souvent tentées, face aux inévitables atteintes à la santé qui suivent une mauvaise organisation de la performance, de recourir à une ingénierie parallèle dont la QVT devient l’outil privilégié, structurellement palliative, engagée dans la gestion des comportements des salariés plutôt que dans celle des pannes récurrentes du travail, qui ne résout rien et triche trois fois : avec le réel, la performance et la santé.

 

 

Trop de stratégies mises en place sont des parodies de QVT prémâchées proposant des pansements périphériques du travail : conciergerie, crèches, baby-foot… sans jamais aborder le travail proprement dit, son contenu et son organisation.

Je refuse pour ma part de participer à ces mascarades, j’ai trop de respect pour les entreprises qui me sollicitent, le travail et les travailleurs, la QVT et la prévention des RPS. La santé passe d’abord par le dialogue.

 

En fonction des situations je propose d’ « embarquer le management avec moi » suite à la proposition de l’économiste Mathieu Detchessahar (Detchessahar, « Faire face aux risques psycho-sociaux ») qui propose de refonder le management par le dialogue autour du travail. Histoire de ne pas sombrer comme trop souvent dans la multiplication des « espaces de discussion » sur le travail qui se soldent trop souvent par des réunions ou seules les lèvres bougent qui se retournent alors contre la santé des travailleurs : parler sans pouvoir faire quelque chose de ce qu’on a livré ne rend pas plus supportable ce qui blesse, mais souvent encore moins.

 

En tant que médiatrice et préventrice des RPS, par ma position de tiers neutre et  impartiale

  • je suis la garante de l’écoute des forces en présence : les travailleurs et la hiérarchie.
  • Je viens en quelque sorte rendre son utilité à la parole, qui reste en revanche vide si elle ne fait pas bifurquer un tant soit peu les décisions orientant le travail et ses conditions de réalisation.

Mais si le « travail bien fait » est une valeur, qui est légitime dans la création de la norme du travail et donc dans son organisation pour bien faire ?

Cette petite question innocente est finalement centrale et ose poser autrement la question de la place du travail dans la santé aussi bien au travail que publique. Il fallait oser aborder la légitimité des acteurs et récemment Yves Clot et son collectif l’ont fait.

  • Je milite comme eux pour un rapprochement des acteurs, par étapes, comme ils en ont montré l’intérêt pour ne pas stériliser le dialogue et sa portée. Les espaces de discussion ne peuvent peser sur le cadre politique de l’action qu’en présence de la hiérarchie, car si les espaces de délibération sur le travail se font en marge des prérogatives managériales, ils ne font pas long feu face au contact des réalités de l’organisation.
  • Je pense que la participation du manager voir la co-animation avec lui garantit la pérennité de la démarche ainsi que la mise en œuvre d’action d’amélioration.

En améliorant la qualité du travail et donc de ses conditions de réalisation, on soigne aux sens propre et figuré le travail et on protège les travailleurs des atteintes à la santé que constitue le travail vide de sens.

 

Il peut être nécessaire dans certaines situations de proposer un travail par étape, suggérant que dans un premier temps, le travail sur le travail doit pouvoir s’affranchir de la présence hiérarchique, la responsabilité collective est à ce prix.

Ma spécificité de médiatrice a ici encore toute sa place pour animer le collectif et le faire accoucher d’une position commune ou le formatage des échanges en présence de la hiérarchie est évacué. La possibilité pour les collectifs de première ligne de pouvoir (devoirs !) délibérer dans des institutions dédiées entre pairs est légitime et bienvenue, elle permet ensuite de pouvoir préparer la confrontation avec l’encadrement et les instances représentatives du personnel.

 

C’est sans doute ce qu’avait à l’esprit Jean Auroux lorsqu’il avait imaginé le « droit d’expression des salariés ». Il est grand temps de reprendre ces espaces de dialogue en ayant à l’esprit les leçons tirées par Jean Auroux lui-même sur sa loi de 1982, à savoir la mise en évidence des graves limites d’une institution qui n’avait pas atteint ses buts en achoppant sur l’asymétrie d’une discussion entre salariés et dirigeants conçue sans ingénierie.

 

Les espaces de discussion bénéfiques à l'entreprise

coopération bénéfique au travail

Les espaces de discussion prévus par la loi permettent, bien rénovés à la lumière des erreurs du passé,  de reconstruire une nouvelle vision née du pas de côté que le médiateur suscite :

  • la possibilité d’envisager son activité propre à partir des observations de ses pairs,
  • la possibilité de voir la même chose à partir d’un angle différent voir opposé, et
  • d’échanger dans une joyeuse dispute professionnelle (si chère à Yves Clot « Prendre ses responsabilités ? ») sécurisée par le médiateur tiers neutre et impartial, accoucheur de la position collective et partagée qui peut naître de ces échanges.

Ils permettraient ainsi aux travailleurs de prendre leurs responsabilités dans l’organisation du travail, et participeraient ainsi à la redistribution des responsabilités avec les autres parties prenantes de l’entreprise.

Vouloir n’est pas pouvoir et il faut bien imaginer que les obstacles ne manquent pas dont celui du privilège de l’employeur à décider seul du contenu du travail et de son organisation même à la lumière des liens dont le nombre grandit sans cesse entre qualité du travail et santé.


Pour légitimer plus durablement ces espaces de mise en débat, il ne saurait être question pour les directions de les réanimer juste quand elles rencontrent des difficultés : tricher n’est pas jouer ! Faire remonter les problèmes au risque de ne pas leur donner de suite à fait son temps.

  • Ces espaces de parole permettent de faire descendre l’organisation vers les problèmes pour les résoudre, en permettant en toute honnêteté à la hiérarchie de développer sa propre capacité d’agir pour produire et participer à un « travail soigné » !
  • Elle pourrait même découvrir un nouveau pouvoir, celui d’agir sur les choses. 

Ces espaces doivent s’inscrire dans le temps long pour devenir une force de progrès pour tous, employeur compris. Les employeurs les plus visionnaires ou les plus malins comprendront qu’ils n’ont rien à perdre à laisser leurs salariés améliorer leur travail et le nourrir de sens, voir même tout à gagner économiquement et socialement qu’ils pèseront eux aussi de tout leur poids pour institutionnaliser ces espaces de parole.

Chacun aura alors peut être au moins lu si ce n’est intégré les mots de Simone Weil : « l’initiative et la responsabilité sont vitales pour ceux qui travaillent ».

A trop vouloir neutraliser la conflictualité que fait naturellement naître la pratique du travail, on fabrique des risques psychosociaux. C’est ce qu’avancent Florence Giust-Desprairies et Annie-Charlotte Giust-Ollivier dans la « nouvelle revue de Psychologie et je suis sensible à leur discours.

Comme l’indique Danièle Linhart, aujourd’hui le malaise social trouve comme principale forme d’expression celle de la souffrance individuelle au travail.

 

Ce dont le travail et les travailleurs ont besoin pour aborder le terrain de la santé au travail c’est bien de parler vrai entre les bons acteurs et de volonté partagée d’agir efficacement ! et pour agir efficacement sur la santé au travail il faut oser aborder la qualité du travail :

« l’homme possède le gout du travail efficace et déteste les efforts inutiles. Il a le sens des avantages de la fonctionnalité et de la compétence ainsi que celui des inconvénients de l’absurdité, du gaspillage ou de l’incompétence ».

Veblen note même que « sous l’impulsion de ce gout du travail bien fait, de l’acte efficace, au sens « quasi esthétique » de la chose et au-delà même du sentiment de s’accomplir soi-même dans l’effort, ceux qui travaillent se plaisent à penser que leur vie est utile ».

 

Et c’est finalement bien de cela dont nous avons tous besoin… ce sentiment d’être utile.